Je sens le poids de mon corps. Mon esprit semble immergé d’un long sommeil. Je sens mes muscles, je sais que si je voulais lever mon petit doigt, je pourrais y arriver. Cependant, lorsque je me dis que je devais ouvrir les yeux, mes paupières semblaient lourdes... J’ai l’impression qu’elles pèsent une tonne... Petit à petit, je commence à reprendre possession de mon corps : je sens, non plus seulement mes doigts, mais aussi mes jambes et mes pieds…

Finalement, et après de longue et pénible minute, j’ouvre enfin mes yeux. La lumière blanche m’aveugle. Je prends alors conscience du matelas moelleux en dessous de moi, et mes yeux finissent par s’habituer à cette lumière aveuglante. J’entends du bruit et tourne la tête en direction de celui-ci : vers la porte.

Si on m’attaquait maintenant, je sais déjà que je ne serais pas en mesure de me défendre ni d’accomplir ma mission. Cependant je prends mon courage à deux mains et continue à regarder dans la même direction. Soudain, elle s’ouvre brutalement et un garçon aux cheveux bruns entre en fracas : Matthew Josh. Il se précipite vers moi, et sans que je n’aie le temps de comprendre ce qui se passait, sans aucune retenue, il me prend dans ses bras.

Je sens son parfum un peu fort pour moi mais qui le caractérise tant, puis il place son visage devant le mien, il me parle mais je ne comprends pas tout. Je ne distingue que quelque mot à peine.

- … Peur… Mourir… Merci !

Je dois sembler très faible, car il m’adosse au bord de mon lit et me met un coussin dans le bas du dos. Matthew s’assoit sur le bord du lit tout en me regardant. Je vois ces yeux briller, pour la première fois, je vois la profondeur de ces prunelles brunes. Lorsqu’il secoue ses cils, ses yeux prennent une légère teinte verte.

Puis je vois… Je vois cette larme, se détachant du coin de son œil pour venir couler le long de sa joue. Elle s’attache à son menton et tombe sur mon drap d’hôpital. Je vois dans ses yeux quelques choses que je n’avais pas vues depuis si longtemps : de la reconnaissance. Depuis combien de temps quelqu’un ne m’a-t-il pas dit merci ? Ce fut surement cela qui me poussa à prononcer un seul mot, qu’y me fait mal à la gorge, semblant être irritée.

- Linda…

Matthew semble comprendre, car il me sourit, les yeux mi-ouverts, avec un regard qu’on adresse qu’à quelque chose de mignon… comme un chiot trop turbulent mais adorable à la fois.

- J’aime beaucoup ce prénom. Merci, pour tout Linda. Sans toi on y serais passé, pas seulement moi mais Adrien aussi.

Je ne sais trop quoi répondre, il me paie pour mes services, alors pourquoi me remercier ? Je ne comprends pas réellement pourquoi il me regarde comme ça, mais je l’ai déjà vu quelque part, ce regard. Je crois que mon frère me regardait comme ça, autrefois…

Finalement, une infirmière rentre dans la pièce et demande à Matthew de quitter la pièce pour me laisser me reposer. Avant de partir, il me fait un bisou sur le front. Je ne comprends pas pourquoi ce geste, en fait, je ne comprends pas tout simplement ce geste. J’ai toujours eu du mal à interpréter les gestes des personnes libres. Depuis toute petite, j’ai toujours vécu dans un bunker avec une centaine d’autres enfants, sauf qu’aucun contact n’était permis. On nous a appris beaucoup de choses à l’Institut, mais pas à décrypter le langage corporel.

L’infirmière regarda mes blessures, changea mes bandages me firent avaler quelque pilule et me demandèrent de me rendormir. Puis elle quitta la pièce. Je l’entends cependant stationner devant ma chambre. Elle semble se disputer avec quelqu’un.

Je me demande si elle ne tentait pas de faire un complot contre moi, et je suis très tenté de sauter de mon lit pour coller mon oreille à la porte. Cependant, les mouvements deviennent impossibles à réaliser lorsque je remarque que mes jambes sont aussi lourdes que des poids lourds.

Puis finalement, la porte s’ouvrit une nouvelle fois et Matthew rentra. Le jeune garçon prit une chaise dans un coin et tira une Psp de sa poche, commençant à jouer. Je ne comprends pas ce qu’il fait là. Comment je suis censé dormir si on me dérange ? Je dois vite retrouver mes forces afin de continuer ma mission, alors que fait-il ? Mais en même temps, plus il est près de moi, plus ça sera facile de le protéger.

- Matthew…

Ma voix est vraiment très faible, mais cependant, il leva immédiatement la tête vers moi. Mes yeux sont encore faibles et j’ai du mal à les laisser ouverts très longtemps. Si bien que parfois, ils se fermaient seuls automatiquement. Mon état devait être si pitoyable, que Matthew approcha sa chaise de mon lit et commença à me caresser le front. Il me regardait avec un regard si perçant et attendrissant, que je finis par baisse les yeux.

- Cette fois, c’est à moi de te protéger, tu en a déjà bien fait assez.

Contrairement à ce que je pensais, je n’eus pas tant de mal pour m’endormir. Mon repos fut troublé d’images de mon frère et de ma mère, et parfois je voyais le visage de Matthew sans comprendre réellement pourquoi. Les douleurs de mes blessures n’aidaient en rien mon sommeil agité.

Je me réveille quelques heures plus tard, et sens où mes forces sont enfin revenues. Cependant, j’ai les images de mon ancienne famille en la tête... Toujours allongée sur le dos, je me mets en position fœtale, mon corps tremble, et je me rends compte que cette position n’est pas la meilleure idée que j’ai pu avoir de ma vie.

Ma blessure me fait atrocement mal, et lorsque je passe ma main dessus, je remarque que du sang coule. Je ne sais pas quoi faire, je n’ai jamais eu besoin de l’aide de personne, et ça ne commencera pas aujourd’hui ! Je vois un bouton d’alerte du coter de Matthew, qui avait calé sa chaise dans un coin de la pièce. Je tends mon bras pour toucher le bouton, mais il est trop loin. Je tends encore un peu ma main, à un tel point que je finis par tomber de mon lit.

Ma chute fait atrocement mal à mon dos et la blessure libère encore de mon sang, je sens mon souffle ce ralentir, mais chaque mouvement m’est devenu presque impossible...